Le 9 novembre dernier, l’AAPF a organisé dans les locaux du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles une conférence passionnante sur le thème : » La démocratie des crédules » présentée par le journaliste de la RTBF, Eddy Caekelberghs, qui a notamment animé l’émission « Face à l’Info », longtemps une des rares émissions à s’intéresser à l’Europe.
Aujourd’hui, pourquoi parler de la crédulité des citoyens ?
– la démocratie délibérative est mal en point. Cela se vérifie par les sondages et les Eurobaromètres. Les politiques sont la catégorie la plus détestée même si les journalistes ne sont guère mieux placés et qu’aujourd’hui même les scientifiques font l’objet de critiques.
– et ce n’est pas en pointant les régimes non démocratiques que l’on peut restaurer la confiance et sauver la démocratie.
– depuis de nombreuses années en Belgique, la démocratie est confisquée par les présidents de partis qui entravent les initiatives des parlementaires et militants. Cette particratie a pour conséquence de tarir l’intérêt pour les enceintes parlementaires. Le meilleur exemple actuel est celui des propositions actuelles sur l’élargissement de L’IVG qui sont bloquées ailleurs qu’au Parlement.
Ce délitement de la démocratie a pour résultat que beaucoup de citoyens, et particulièrement au sein de la jeunesse, plaident pour un pouvoir efficace et fort, contrebalancé par un pouvoir judiciaire puissant. Pourtant, ce n’est pas au prétoire de faire la Loi.
– par ailleurs, la société a tendance à être de plus en plus intrusive (caméras publiques allant jusqu’à la reconnaissance des visages), ce qui peut être utile mais est aussi une atteinte aux libertés citoyennes.
– certes, on n’est pas dans le « climax’ de l’entre-deux-guerres mais la crise sociale et le déclassement des classes populaires et moyennes que nous connaissons s’apparentent aux moteurs de l’émergence des totalitarismes. Certes, le niveau d’éducation, les moyens d’information et l’appartenance à l’Union européenne sont des freins à la mise en place de régimes totalitaires.
– Il nous faut nous méfier de ce que nous lisons sur les réseaux sociaux car cela peut conforter notre opinion plutôt que de la confronter à d’autres, ce qui est la base de la démocratie. De plus, nous sommes dans une société du visuel où l’image compte plus que le propos. Or, une image peut aisément être tronquée (ainsi une photo rapprochée peut donner un effet foule).
– Un autre danger actuel est « l’effet râteau » qui est la base du complotisme. On crée du lien inexistant entre divers éléments véridiques.
– On doit aussi y ajouter l' »effet Othello » ou argument d’autorité : si tant de personnes pensent de même, cela ne peut être que vrai !
Enfin, il est essentiel de développer la pédagogie des enjeux (plus complexes que les 2 minutes allouées dans les JT).
Le pôle égalité se doit d’être aussi renforcé. Cela passe par le vivre ensemble, la connaissance de l’autre, le réapprentissage de l’ouverture
Il faut redonner le goût du débat. Mais cela implique un apprentissage qui est tout le contraire des réseaux sociaux, une machine à exclusion qui développe l’esprit de meute. Le wokisme en est un triste exemple car on doit s’y excuser de tout, même des actes des générations précédentes.
Eddy Caekelberghs lance un appel à l’assemblée présente puisque les anciens parlementaires sont plus libres et peuvent contribuer à faire changer les choses.
Il faut aussi se rendre compte que Hollywood et les séries américaines nous façonnent inconsciemment. Ainsi, nous souhaiterions aujourd’hui une justice sur le modèle anglo-saxon ou l’influence US nous fait rejeter la Russie et donc jeter celle-ci dans les bras de Pékin.
En conclusion, il nous faut devenir des consomm-acteurs et non des moutons.
Il ne faut pas hésiter à dire toute la vérité et à reconnaître que l’on s’est trompé: la jeunesse apprécie cela ! Mais tout est lié à l’éducation et à la culture car pour beaucoup aujourd’hui, de Gaulle est aussi ancien que Ramsès II ou Napoléon.
JJ Flahaux
Visite de l’exposition David HOCKNEY
A la suite de cette conférence très intéressante, les membres ont eu l’opportunité de découvrir la double exposition au Palais des Beaux-Arts, consacrée au peintre anglais David Hockney né en 1937.
La première expo est consacrée aux œuvres de la collection de la Tate, 1954-2017, y est proposée une rétrospective de l’ensemble de la longue carrière du peintre anglais contemporain. Nous avons pu apprécier ses travaux essentiels au fil de ses représentations iconiques du Swinging London des années 1960 et de la Californie du Sud et bien évidemment de ses célèbres doubles portraits et de ses paysages monumentaux. Référence totale et force de l’art qui a couvert tout le 20e siècle jusqu’à aujourd’hui.
La deuxième expo présente « la soif d’expérimentation » d’Hockney. L’arrivée du printemps, Normandie, 2020, présenté en partenariat avec la Royal Academy of Arts, fait découvrir au visiteur les tableaux extrêmement colorés réalisés par l’artiste sur son iPad lors du premier confinement. Une énorme salle y est consacrée et l’on s’y sent comme à l’intérieur des paysages normands, si proches de ceux de son Kent natal. Les œuvres de l’artiste continuent à parler aux jeunes et aux moins jeunes, tant elles sont intemporelles. On peut se souvenir de sa jolie phrase : « Je n’ai pas cessé de peindre ou de dessiner ; j’ai simplement ajouté un autre médium à mon travail. ». Ses dernières créations montrent à quel point l’artiste, aujourd’hui âgé de 83 ans, parvient une nouvelle fois à se réinventer.
Henri Simons