Bijou de la Méditerranée, la Corse réserve mille surprises à qui la visite. Ce fut le cas de la délégation de l’AAPF qui durant une semaine a parcouru l’île de beauté et en a gardé un merveilleux souvenir.
On la croit insulaire, elle est surtout montagnarde, son plus haut sommet, le Monte Cinto, culmine à 2710 mètres. De ses montagnes escarpées à ses plages de rêve, en passant par ses villes et villages atypiques, pittoresques et colorés, nous avons découvert les innombrables trésors de la Corse et la chaleur de ses habitants.
Ce beau voyage commença par un accueil très chaleureux du Maire de Porto-Vecchio Mr Georges MELA à la Mairie, où un discours de bienvenue fut prononcé. Des liens d’amitié entre le Maire et notre Président étaient à l’origine de cette agréable rencontre et si les douloureux événements que connurent nos deux pays furent évoqués, une partie plus conviviale s’en est suivie, agrémentée d’une dégustation très appréciée de produits régionaux et surtout de charcuterie et de fromage.
Notre voyage allait commencer par la remontée le long de la côte Est vers Bastia. Près de 200 km à parcourir en autocar et un premier aperçu des routes sinueuses que nous allions découvrir tout au long de notre périple.
Beaucoup d’entre nous ne connaissaient pas la Corse et seront surpris par son caractère sauvage et naturel, ses traditions, son patrimoine et son environnement préservé (60 à 70% de maquis).
Le 2ème jour nous emprunterons la route et visiterons le Cap Corse via le col de Patrimonio. Nous ferons la connaissance de Jean-Pierre, notre guide, qui tout au long du voyage, nous fera découvrir l’histoire de l’île, sa géographie, son environnement, son atttachement à la langue Corse. Il nous racontera les origines de la Corse, qui fut grecque, romaine, byzantine, pisane, génoise avant de devenir française. La Corse connaîtra 5 siècles d’occupation génoise. Au 16ème siècle le littoral assailli par les barbaresques est ceinturé par des tours de guet. On en découvrira tout au long de notre voyage. Au 17ème siècle la Corse connaîtra un renouveau religieux et se couvrira d’églises baroques. Le 18ème siècle verra la décadence de Gènes et on assistera à une succession de soulèvements populaires appelés “guerres d’indépendance”.
De 1755 à 1769 la Corse jouiera de 14 années d’indépendance sous l’action de Pascal PAOLI, homme de démocratie et de progrès.
Paoli est élu “Général de la nation Corse” en 1755. Sa révolution institutionnelle d’envergure sera vite étouffée par la mainmise française. En 1768, Gênes, ruinée, cède la Corse à la France et signe le Traité de Versailles. Un an plus tard, les paolistes sont vaincus par les troupes françaises lors de la bataille du Ponte Nuovo. Paoli s’exile en Angleterre. En 1789, l’Assemblée constituante proclame la Corse “partie intégrante de l’Empire français”.
En 1790, Paoli regagne la Corse après 20 ans d’exil.
En 1796 la France reconquiert la Corse et Napoléon Bonaparte, ajaccien, élève de l’Ecole militaire de Paris, voudra jouer un rôle dans cette reconquête. La Corse devra définitivement être française. Il se fera élire au poste de Lieutenant-colonel en second “des Volontaires corses d’Ajaccio”, mais lors d’une émeute entre citadins et volontaires, le bataillon de Bonaparte tuera plusieurs personnes à la sortie de la cathédrale d’Ajaccio. Une guerre civile de 8 jours éclatera et la population en gardera longtemps rancune au futur empereur.
La famille Bonaparte devra fuir sur le continent et Napoléon ne reviendra en Corse qu’en 1799. Sa fulgurante carrière commencera à Toulon en 1793 dans les campagnes d’Italie et d’Egypte. Il deviendra 1er Consul à vie et centralisera les pouvoirs au profit de son ambition. En 1804 à l’âge de 35 ans il est sacré Empereur des français. Il dominera l’Europe et édifiera le Grand Empire. En 1815 après sa défaite à Waterloo il se repliera en France et abdiquera. Suivront 6 ans de séjour à l’île de Sainte-Hélène où il meurt en 1821.
Nous constaterons tout au long de notre séjour, que pour les Corses, nationalistes ou non, le véritable père de la patrie est Pascal Paoli. C’est un héros qui permit à la nation Corse de s’affirmer et qui dotera l’île d’une constitution républicaine bien avant la France. C’est lui aussi qui fera de la “tête de Maure” le symbole officiel de la Corse. Cette tête qui au départ représentait la reconquête chrétienne sur les musulmans sera modifiée et il en fera supprimer les marques de soumission relevant le bandeau qui couvrait les yeux du Maure : “Les Corses veulent y voir clair, nous ne craignons pas la lumière”.
Après cette petite page d’histoire, nous poursuivrons notre route vers Bastia pour une visite de la ville. La cité aux toits de lauze s’étire du nord au sud autour de son vieux port sur lequel veille la citadelle génoise. Nous traverserons la place Saint-Nicolas qui s’étire sur 300 mètres ceinturée d’une allée de platanes et de palmiers et où trône la statue de Napoléon.
Le lendemain, départ vers Murato et visite de sa très belle église romane San Michel, une des plus belles de Corse et qui date du 12ème siècle. Ensuite direction Saint-Florent au creux d’un golfe magnifique, le petit village de pêcheurs s’est transformé au fils des ans en une station balnéaire très cotée et les bateaux de plaisance viennent mouiller dans son joli port. Une citadelle construite en 1440 par les Génois domine le port et sa longue jetée.
Retour vers Murato pour y visiter la nouvelle unité de fabrication de charcuterie fine de Pascal Flori ouverte en novembre 2013 et répondant à toutes les normes européennes. Elle allie matériel “haute technologie” et respect de la tradition. Un investissement considérable de 2 millions d’euros pour ce jeune entrepreneur qui nous fera découvrir ses installations modernes et surtout son grand savoir-faire.
Au 4ème jour de notre voyage, nous roulerons vers Calvi, long parcours mais paysages toujours aussi fabuleux. Nous traverserons La Balagne et ses très beaux villages et nous serons recompensés car Calvi est une petite ville portuaire merveilleuse. Sa citadelle surpombe de sa masse altière et grise une marine grouillante de monde. Calvi, c’est aussi la ville où Christophe Colomb serait né en 1451. Il est vrai que ce grand navigateur était génois, comme tous les habitants de la ville. Calvi se plaça en effet sous la protection de Gênes et lui restera fidèle. Elle ne deviendra française qu’après le Traité de Versailles.
Après une bonne nuit de repos, la délégation se lèvera tôt pour se rendre à Corte, ancienne capitale de Corse. Nous ferons le tour de la ville en petit train touristique et admirerons du haut de la citadelle ce paysage enchanteur. L’après-midi nous traverserons une des plus belles forêts de Corse par le col de Vizzanova, avant d’arriver à Ajaccio, l’actuelle capitale. Nous y serons accueillis par notre Consule honoraire de Belgique, Mme Joëlle Scaglia, par le Président de l’Assemblée corse Mr Jean-Guy Talamoni, par le Président de l’Exécutif de l’Assemblée de Corse Mr Gilles Siméoni et par le Président de l’Agence de développement de la Corse Mr Jean-Christope Angelini.
Mr David Thonon, notre représentant de l’AWEX nous rejoindra et nous serons introduits dans le très bel ancien hôtel britannique, devenu le siège de la Collectivité territoriale de Corse. Nous serons installés dans l’hémicycle où des mots chaleureux nous seront adressés par les présidents. S’en suivra un échange de vues très intéressant et des propositions de collaborations futures seront envisagées surtout dans les domaines des déchets, du numérique, du tourisme ou de la lutte contre le radicalisme.
Après cette partie officielle de notre séjour, nous rejoindrons notre hôtel situé à Porticcio, station balnéaire d’Ajaccio.
Le 5ème jour, nous nous lèverons à nouveau tôt, car la route sera longue mais ô combien merveilleuse. Nous parcourrons les calanques de Piala, patrimoine mondial de l’Unesco. Nous serons quelque peu secoués sur le bateau qui nous fera découvrir les calanques de la mer mais ce sera sans aucun regret car nous serons tous ravis de cette balade. L’après-midi nous nous rendrons vers les gorges de Spelunca. Des paysages toujours aussi fabuleux. Nous éviterons d’écraser quelques cochons baladeurs et quelques biquettes qui se promènent en toute liberté et ne semblent pas craindre les véhicules.
Le 6ème jour sera plus tranquille et nous découvrirons à pied le vieux Ajaccio. Un tour en bus panoramique jusqu’aux Iles Sanguinaires nous permettra d’admirer les plages idylliques, les magnifiques villas, le cimetière où repose Tino Rossi, véritable idole, décédé en 1983. Le seul artiste à avoir vendu plus de 500 millions de disques dans le monde et qui fait toujours la fierté des corses. Après cette agréable partie “détente”
nous serons reçus chaleureusement à la Mairie d’Ajaccio par Mme Simone Guerrini, adjointe
au maire, en charge de la culture et du patrimoine. Avec fierté, elle mettra surtout l’accent sur les démarches entreprises pour enrichir le très beau patrimoine qui souffre quelque peu de manque de moyens financiers pourtant bien nécessaires à la restauration. Notre président la remerciera pour son accueil très convivial et nous dégusterons le muscat local en toute amitié.
Le dernier jour étant déjà arrivé, notre voyage ne prendra cependant fin qu’après la visite de Bonifacio, une des plus belles villes d’Europe, dressée au sommet d’impressionnantes falaises de calcaire, hautes de 60 mètres; une cité médiévale comme “au bout du monde”.
Une promenade en mer nous fera découvrir ses grottes et l’aspect encore plus saisissant de ces vieilles maisons agglutinées à l’extrémité des falaises et nous apercevrons au loin dans la mer la Sardaigne.
Enfermée dans ses fortifications, la vieille ville est juchée sur un étroit et haut promontoire de calcaire modelé par la mer et le vent. Nous visiterons également la citadelle et pourrons apercevoir le cimetière marin.
Nous garderons tous des images merveilleuses de cette île qui n’a pas volé son nom “d’île de beauté” et les explications très documentées de notre guide nous auront permis de mieux comprendre le peuple corse et le sentiment ressenti par le visiteur de “désamour” vis-à-vis de la France. Une des explications serait liée au passé de l’île, à ses différentes occupations et à son rattachement imposé à la France. Les pertes humaines importantes durant la guerre 1914-1918 où 48.000 hommes seront mobilisés en Corse, outre les 9.000 hommes déjà sous les drapeaux au moment où le conflit éclate. Ce chiffre élevé est dû au fait que l’île a le statut de “place forte”. Après la guerre il sera longtemps affirmé que le nombre de tués aurait été de 40.000. L’île n’étant peuplée que d’un peu plus de 300.000 habitants, la perte humaine est considérable. Les courants nationalistes estiment que la France aurait réservé un sort défavorable aux soldats corses en les surexposant en première ligne. Le Maréchal Foch déclarera d’ailleurs que les corses arrivent par bateaux entiers mais que des barques suffisent pour ramener les survivants. La mobilisation des conscrits corses est plus sévère qu’en France continentale. L’ancien 1er ministre Michel Rocard le reconnaîtra lors de son discours du 12 avril 1989.
Toutes ces pertes humaines affecteront durablement la vitalité de l’île ce qui accentuera le déclin économique. Dans les années 70 on assistera à la création du Front de Libération National Corse, le FLNC, réclamant la reconnaissance des droits nationaux du peuple corse. Le droit à l’auto-détermination et un pouvoir populaire démocratique. L’île connaîtra une longue période de troubles et de vendetta dont elle n’émergera qu’au début du 21ème siècle.
En 1981 elle ouvrira son université à Corte et permettra aux étudiants de ne plus se rendre sur le continent pour effectuer leurs études.
En 1982 les lois donnent un statut particulier à la région Corse et la 1ère Assemblée de Corse est élue au suffrage universel le 8 août. Les nationalistes jugent ces mesures insuffisantes. En 1998 ce sera l’assassinat du préfet Claude Erignac à Ajaccio et du symbole politique qu’il représentait. Yvan Colonna sera arrêté après 4 ans de cavale bien que soutenu et protégé par la population. Il sera condamné à la réclusion à perpétuité en 2011 après 3 procès devant la justice parisienne.
Tous ces événements n’ont pas joué en faveur de la Corse et la rancune est toujours profonde. Le manque d’investissement de la France et son refus de reconnaître la langue corse alors que le peuple y est unanimement favorable, est très mal perçu. Le plan d’aménagement durable de la Corse de 2009 qui suscite lui aussi la polémique car pour les corses il est surtout basé sur le “tout tourisme” et ne respecte pas assez l’environnement risquant d’empêcher le développement de l’agriculture. Toutes ces raisons seront sources de désaccords.
En 2014 un nouveau plan, initié cette fois par la majorité territoriale est adopté par l’Assemblée de Corse. En 2015 l’Assemblée adopte le projet de Collectivité locale unique pour la Corse. Ce projet prévoit la fusion de la Collectivité territoriale de Corse et des deux Conseils de “Haute Corse” et de “Corse du Sud”. L’entrée en vigueur de ce nouveau statut pour l’île est prévue pour le 1er janvier 2018.
Le 13 décembre 2015 les nationalistes sont victorieux à l’issue des élections territoriales. La liste unie “Pè a Corsica” menée par Gilles Siméoni arrive en tête avec plus de 35% des voix. Pour la première, fois depuis la création de la Collectivité territoriale de Corse les nationalistes accèdent aux responsabilités territoriales.
Il y aurait encore tant de choses à dire pour dépeindre cette région, sa gastronomie, sa culture, son environnement, qu’il faudrait un 2ème, voire un 3ème voyage de même intensité que celui que nous venons de réaliser, pour mieux apprécier toute cette beauté et comprendre l’esprit corse.
Quoi qu’il en soit, nous avons tous beaucoup aimé ce séjour d’étude et d’agrément. La bonne humeur a toujours été au rendez-vous et tous nos contacts furent amicaux et chaleureux.
C’est certain, plusieurs d’entre nous referont le voyage !
Anne ANDRE-LEONARD