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Une journée à Liège

Le Chanoine Arnold Bocholtz avait voix au Chapitre de la Cathédrale de Liège dont il était grand prélat et tréfoncier en la moitié du 16ème siècle. Son hôtel particulier fut rénové par le banquier   anversois Maurice Naessens en 1967. Cette belle demeure devenue Centre international de rencontre est aujourd’hui le siège du cercle d’affaires B19 mais aussi du « Grand Liège », association des  forces vives régionale présidée par Michel Foret.
C’est dans ce lieu chaleureux et patrimoine exceptionnel que nous avons eu le privilège de suivre un exposé illustré et animé sur « La voix dans tous ses états » Quoi de plus important pour des  politiques que la voix ? Celle reçue de l’électeur et celle donnée – avec plus ou moins d’éloquence – à la tribune. C’est la seconde que Madame Dominique Morsomme, docteur en logopédie, étudie,  soigne au CHU de Liège et enseigne à l’Unité Logopédie de la Voix (ULV) de l’Université de Liège.
La voix se produit suite au passage de l’air, émanant des poumons, dans cet instrument unique qu’est le vibrateur laryngé. Ce souffle sonorisé est filtré par les résonateurs et articulé par la bouche,  la langue, le voile du palais. C’est alors que nous pouvons vocaliser, crier, chanter, parler.
Une mini camera fixée au bout d’une optique nous a permis de découvrir les plis vocaux – communément appelés cordes vocales en mouvement : il s’agit de replis dans la muqueuse du plan  glottique. En effet, ils ressemblent plus à deux voiles qui oscillent qu’à des cordes ! Ils sont plus courts (environ 12mm) chez les femmes que chez les hommes (environ 17 mm) Démonstration à l’appui grâce à Madame Régine  Logen, chanteuse de jazz et professeur de saxophone à l’Académie de Visé, nous avons apprécié les différents mécanismes vocaux comme celui de la voix de tête,  modale ou encore de poitrine. Elle a également fait la démonstration de la voix serrée et de la voix soufflée qui peuvent à la fois être un handicap pour certains ou un atout pour d’autres notamment dans le monde artistique. Tout est affaire de résonateurs (cavité buccale, pharynx, fosses nasales, vestibule laryngé…) d’articulateurs (langue, lèvres…) et du travail de notre soufflerie :  poumons et diaphragme.
Chaque voix est unique. Il est possible de la cartographier. Quelques indicateurs : la hauteur tonale, le niveau de pression sonore, le timbre, la prosodie. Une « vilaine » voix peut poser des  problèmes dans la vie quotidienne : un homme à la voix extrêmement basse peut faire peur, une femme à la voix d’enfant manquer de crédibilité.
La voix se modifie avec l’âge ou certains comportements (tabagisme). Différents enregistrements de la voix de la comédienne Jeanne Moreau (1928-2017) montrent par exemple qu’au début de sa  carrière (1953), la hauteur tonale de sa voix parlée tournait aux alentours de 287Hz pour ne plus atteindre qu’environ 122 Hz en 2014 se rapprochant de la hauteur tonale masculine.
Il est aussi possible de jouer avec sa voix, de la sculpter pour exprimer ou susciter une émotion, charmer. Dans le film de Disney « le Livre de la jungle, » le python Kaa psalmodie « Aie confiance » avec efficacité. Parmi les orateurs modernes, Martin Luther King convainc avec « I have a dream… »
La voix offre un champ de recherche insoupçonné. Si chaque voix est unique, il y a semble-t-il un invariant : tous les humains ont un larynx similaire capable d’exprimer un éventail d’émotions  parfaitement identifiées par nos semblables même si leur modalité d’expression peut tantôt être sur l’inspire ou l’expire pour une même émotion comme dans la douleur ou le dégoût. Des  recherches sont également menées sur les voix de personnes souffrant de dépression, sur les voix ironiques, ou encore sur le phénomène des imitations. La reconnaissance vocale fait des progrès.  Néanmoins, le meilleur imitateur ne parviendra pas à débloquer une bonne technologie de commande vocale. Qui n’a jamais été aphone ? Les causes d’une plainte vocale sont multiples et les  conséquences variables selon les activités de chaque individu. Le professeur, le chanteur, le comédien, l’avocat, le politique, toute personne qui ne peut se passer de sa voix dans son quotidien est  pénalisé. En dehors de cause purement physique, il peut y avoir surmenage ou malmenage de la voix. En travaillant sur l’appareil vocal, on peut apprendre ou réapprendre un comportement moteur vocal adéquat. Il s’agit finalement d’arriver à fournir un minimum d’effort pour obtenir un maximum d’effet.
Dans cette pratique de la vocologie, terme que le Professeur Morsomme préfère à logopédie de la voix, il y aussi beaucoup d’espoir pour les personnes transgenres en recherche de féminité vocale. Une citation termine un exposé original et intéressant qui a remporté toutes les voix : Le timbre de la voix nourrit l’imagination. La voix, c’est le début de l’intimité, on habille mieux l’image qu’on  s’est fabriquée. (Tahar Ben Jelloun) Après le déjeuner au Pane e Vino tout proche, le groupe a rejoint le Trésor de la Cathédrale Saint-Paul récemment ré-ouvert après 25 ans de travaux et  d’extensions sans compter la persévérance de son Conservateur Philippe George. C’est lui qui nous accueille avec enthousiasme dans les dédales du Musée situé dans le cloître. On y prépare déjà la  fête de Noël et Saint Nicolas est attendu…dans l’atmosphère d’une demeure canoniale. C’est un musée animé !

La Révolution et les Liégeois ont démoli la Cathédrale Saint-Lambert sur la place éponyme. Des vestiges sacrés, reliques des saints et autres objets variés du culte ont été rassemblés en une  précieuse collection spirituelle et matérielle. L’ancestrale splendeur de la Principauté saute aux yeux… son histoire se lit entre les lignes. Aujourd’hui, le musée du Trésor accueille aussi des objets  qui lui sont confiés par différentes fabriques d’église. Ils peuvent faire l’objet de recherches approfondies avec la collaboration de l’Université de Liège. C’est le cas de cette clef de Saint-Hubert,  originaire de l’église Saint-Pierre mais dépôt de l’église Sainte- Croix, dont la poignée contiendrait de la limaille des chaines de Saint-Pierre. L’analyse archéométrique laisse à penser que cet objet  date de la moitié du XIIème, retravaillé au XIIIème et au XVIème siècle.
Toutes les disciplines artistiques sont représentées et reliées au culte catholique. L’orfèvrerie est imposante (reliquaire offert par Charles Le Téméraire, reliquaire de Saint-Lambert) mais il ne faut  pas négliger les sculptures (grands Christ mosans), les peintures (Bertholet Flémal), les textiles (chasubles brodées)… Mentionnons aussi l’existence d’une revue trimestrielle de qualité « Trésor de  Liège » et la distribution d’une bière la Papillon (du nom du tableau de la Vierge au papillon) à la boutique. Remercions encore ici nos hôtes liégeois, le Professeur Morsomme et le  Conservateur Philippe George qui – dans des styles bien différents – ont montré le même amour de leur ardente cité.

Françoise Carton de Wiart