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Conférence du Professeur Francis BALACE – 19 septembre 2019 « UN MUR MURANT BERLIN, RENDIT BERLIN MURMURANT »

C’est avec sa faconde habituelle que le Professeur Francis Balace nous parle de Berlin à quelques semaines de l’anniversaire de la chute du célèbre mur le 9 novembre 1989. Chacun se souvient de l’évènement et peut-même de la construction du mur en août 1961. Des images fortes nous hantent…

Ce mur n’est pas tombé du ciel. Il faut remonter à la fin de la deuxième guerre mondiale pour comprendre.

Quand la capitulation sans condition de l’armée allemande est actée à Berlin en ruines le 8 mai 1945, le monde politique ne sait que faire de l’Allemagne sortie exsangue de la guerre totale exigée par Hitler. «  Revenir aux Allemagne » c’est-à-dire à la multitude de principautés ? Procéder « à de petits pillages » en démontant toutes les usines ? Les alliés d’hier ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. La jonction entre l’armée rouge et l’armée américaine s’est faite sur l’Elbe en avril, mais Staline à grand appétit.  Les accords de Postdam prévoient des transferts de population et des millions d’allemands sont sur les routes.

Quatre puissances se partagent Berlin et l’Allemagne qui deviendra le champ clos de la guerre idéologique entre l’Est et l’Ouest sur le continent européen. La guerre militaire se poursuit pendant des années en Asie.

Berlin est au cœur de la zone soviétique mais bénéficie d’un statut particulier administré en 4 zones d’occupation. Staline prétexte du processus d’inclusion de l’Allemagne occidentale dans l’économie européenne pour fermer tous les accès à Berlin. C’est « le blocus » du 24 juin 1948 au 5 mai 1949. Un gigantesque pont aérien ravitaille la ville. Les américains ont mis le paquet… L’idée de créer une « Allemagne de l’Ouest » grandit.  Il faudra revoir le statut de Berlin.

La République Fédérale d’Allemagne voit le jour le 23 mai 1949, toujours avec un statut d’occupation.  Berlin-Ouest ne fait pas partie du nouvel état qui choisit Bonn comme capitale. En octobre de la même année est créée la République Démocratique Allemande, capitale Pankow.  La tension Est-Ouest existe mais tout semble calme. Avec quelques explosions sociales dont la révolte ouvrière à Berlin-Est en 1953 écrasée dans le sang.

L’Ouest à tendance à négliger ce qui se passe à l’Est… mais les gens circulent : des milliers de berlinois travaillent à l’ouest et sont payés en DM mais vivent à l’est où le rationnement est toujours en vigueur.  Les tensions à caractères militaires sont plus visibles à Suez, à Budapest….  Kroutchev demande à plusieurs reprises de mettre fin au statut quadripartite de Berlin. Il craint l’hémorragie des cerveaux et des forces vives. L’Ouest fait la sourde oreille et Mr.K. dit qu’il y aura des canons…

Un mur murant…

Le 13 août 1961 à minuit quarante-cinq, la construction du mur de Berlin commence. Willy Brandt, maire de Berlin Ouest pense que les alliés vont réagir, mais rien ne vient.

Le mur se construit dans la désolation des familles séparées. À l’Ouest comme à l’Est commence une guerre d’image : d’un côté, les récits des plus malins qui ont réussi à passer sur ou sous le mur, de l’autre les héros de la construction d’un mur qui ferme la route aux activités subversives.

Encore une fois, les tensions militaires se marquent ailleurs : c’est la crise des missiles russes à Cuba et la réaction musclée de Kennedy en 1962. En 1963, Kennedy rend visite à Berlin-Ouest, Kroutchev annonce la sienne à Berlin-Est.

Berlin-Ouest devient une vitrine brillamment éclairée et financée par l’Ouest, le contraste est saisissant avec Berlin Est. A cette époque, la vitrine de la RDA est à Dresde où on exploite les ruines dues au bombardement anglais.

La jeunesse de l’Ouest – qui ne veut pas faire de service militaire – rejoint Berlin où elle en  est exemptée.  Le 21 août 1968, les troupes du Pacte de Varsovie mettent fin au Printemps de Prague. À Berlin et en RFA  les mouvements révolutionnaires évoluent vers la violence de la Rote Armeefraktion ou Bande à Baader. Dans le monde, c’est la guerre du Vietnam, la crise pétrolière…

Les dirigeants ouest-allemands sont convaincus que la coupure Est-Ouest est durable et souhaitent une normalisation à partir de la réalité.

 

… rendit Berlin murmurant.

Devenu chancelier fédéral, Willy Brandt (SPD) démissionne en 1974, éclaboussé par une affaire d’espionnage en provenance de l’Est. Helmut Schmidt (SPD) lui succède et négocie avec l’URSS ce qui ce qui deviendra l’Organisation de la Sécurité et de la Coopération en Europe (OSCE). Il se rend à Moscou et en RDA.

1982, changement de coalition en RFA, Helmut Kohl (CSU) devient chancelier fédéral. Il poursuit  la politique de normalisation.

Gorbatchev veut le changement mais se heurte à quelques « rhinocéros » qui soutiennent Erich Honecker, Président du Conseil d’Etat de la RDA et la police secrète (Stasi).

Le bloc de l’Est se fissure en Tchécoslovaquie (révolution de velours) en Pologne (Solidarnosc)… Enfin, la Hongrie est obligée d’ouvrir la frontière aux milliers de réfugiés de l’Est  qui veulent aller en Autriche, un pays neutre. Budapest demande l’aide financière de Kohl qui répondra favorablement en septembre 1989.

Alors qu’il existe un plan pour écarter Honecker, rien ne se passe comme prévu. Dans l’improvisation totale, le 9 novembre 1989 un trou est percé dans le mur depuis Berlin-Est pour donner un peu de répit à la Hongrie !

Tout le monde a sous-estimé l’état mental des populations et le rôle des églises, catholique et protestantes, dans l’éducation à la citoyenneté.

La suite est connue : elle mènera à la réunification allemande, actée à Moscou le 12 septembre 1990.  Les troupes soviétiques sont payées pour quitter l’Allemagne de l’Est à la fin de 1994. Le Bundestag rejoint Berlin, devenue capitale. « Kohl a acheté la réunification, une bonne intention pavée d’or » conclu le Professeur Balace après un exposé passionnant mené au pas de charge et des connaissances encyclopédiques, dont cet humble résumé n’est qu’un pâle reflet.

En conclusion et au cours du bref débat qui suivi l’exposé, le Professeur Balace   rappelle que, dans l’histoire, les Russes ont toujours l’obsession de l’invasion et la crainte de devoir agir sur deux fronts : la Baltique et la Crimée (avec une sortie vers la Méditerranée). « L’ours se dandine sur deux pattes ».

Nous nous joignons aux mots chaleureux du Président Michel Forêt, pour remercier le Professeur Francis Balace, titulaire à l’Université de Liège, des cours d’histoire contemporaine, d’histoire des Etats-Unis, d’histoire diplomatique de la Belgique, d’histoire des pays d’Outre-mer, d’histoire de l’Angleterre et d’histoire de l’Allemagne .

                                                                                                                                             Françoise Carton de Wiart