Compte-rendu de la conférence de M. Roger Dehaybe sur « La francophonie dans le monde: espoirs et interrogations ».
Ce jeudi 31 mars Roger Dehaybe, l’une des figures de la Francophonie et ancien administrateur général honoraire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) a, devant une assemblée particulièrement attentive, développé sa vision et son combat pour l’utilisation de la langue française dans le monde.
Il a rappelé combien Aimé Césaire, à l’origine du concept de négritude, et Léopold Sedar Senghor s’étaient investis pour que l’Afrique francophone participe au dialogue des cultures. Dialogue qui donnerait une place aux cultures africaines et à la civilisation de l’universel.
C’est en 1970 qu’est née, lors de la conférence de Niamey, l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), véritable acte politique. En 1986 son action s’amplifiera et on assistera au premier sommet de la francophonie qui depuis se tient tous les 2 ans. En 1997, le 1er Secrétaire de la francophonie sera élu, en la personne de M. Boutros Boutros-Ghali. Aujourd’hui 75 pays sont membres de l’OIF (56 membres de plein exercice et 19 observateurs). M. Abdou Diouf exerce actuellement cette présidence.
Lors de ces sommets les Chefs d’Etat et de Gouvernements discutent de politique internationale, d’économie mondiale, de coopération francophone, de droits humains, d’éducation, de culture et de démocratie. Ils définissent également les orientations à donner à la francophonie. Il faut cependant constater et regretter, sans doute, qu’au sein de cette institution la politique domine largement au détriment de la culture. Seulement 33 pays sont réellement à classer comme pays francophones; (les critères étant notamment l’enseignement du français, le chef d’état francophone, … ). Roger Dehaybe souhaiterait créer un groupe des 33 qui s’attellerait à l’élaboration d’un véritable plan pour conforter le français. Il s’agirait d’un moyen essentiel de soutien au français.
Nous sommes 200 millions dans le monde à pratiquer l’usage du français dont 100 millions d’africains. Le constat est tristement édifiant alors que le français est toujours reconnu comme langue internationale. Au sein des institutions européennes seulement 12% des documents sont rédigés en français, ce chiffre est ramené à 7% au sein du Conseil européen. 90% des réunions se tiennent en anglais alors que 31% des fonctionnaires sont issus de pays francophones !
La diplomatie européenne utilise quasi uniquement l’anglais alors que les langues de travail reconnues sont l’anglais et le français.
Si l’Europe est le seul ensemble politico-économique qui donne encore une place au français, une fragilisation importante se profile dont la diplomatie est grandement responsable. L’Europe est en train de trahir ses engagements. C’est un véritable problème moral surtout vis-à-vis du continent africain à qui en 1960 on avait promis et garantit que le français resterait une langue internationale. Ne nous étonnons dès lors pas aujourd’hui que certains grands pays, autrefois francophones, comme le Rwanda, renoncent à cette langue et optent pour l’anglais.
Notre responsabilité est grande et celle de la France l’est plus encore. La France devrait être à la pointe de ce combat qui risque bien d’être perdu si ses ambassadeurs, politiciens, journalistes et autres émissaires s’obstinent à accepter de parler l’anglais devant les institutions internationales ou devant les médias.
Roger Dehaybe, à l’issue de son brillant exposé, a accepté de répondre à une série de questions des membres de l’AAPF et a recommandé la lecture du « Rapport sur la francophonie dans le monde – 2010 » aux éditions Nathan.