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Colloque : «PARLEMENTAIRE : UNE FONCTION OU UNE VOCATION ?»

C’est dans l’hémicycle moderne du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (celui qui réunit tous les élus de la Région wallonne et une sélection de dix-neuf élus francophones de la Région de Bruxelles-Capitale) que Xavier BAESELEN, Secrétaire général de cette institution nous a aimablement accueillis. Le colloque des anciens parlementaires francophones est une bonne prolongation de la réflexion entamée dans le même hémicycle par les parlementaires actifs suite à la question-titre d’un colloque « Qu’est-ce qu’un bon parlementaire ? ».
Suite au refus de David VAN REYBROUCK de venir nous présenter son livre, notre Président, Valmy FÉAUX, s’est chargé de faire une analyse la plus objective possible du livre qu’il estime provocant :
« Contre les élections ».
Les démocraties occidentales subissent une crise de légitimité et une crise d’efficacité. Nous constatons un syndrome de « fatigue démocratique ».
Pourquoi ?
– parce que les hommes politiques sont éloignés de la population, c’est un terreau pour les partis populistes ;
– parce que la prise de décision est lente et complexe, c’est un terreau pour la technocratie ;
– parce que les structures et les rituels de la démocratie représentative sont vermoulus, c’est un terreau de l’antiparlementarisme et de la démocratie directe ;
– parce que la démocratisée représentative élective est sacralisée. En ne voulant plus du tirage au sort, les Révolutions américaine et française ont créé une aristocratie élective.
Quels remèdes ? L’auteur prône le retour en force du tirage au sort dans une démocratie délibérative (des citoyens volontaires et tirés au sort délibèrent avec l’aide d’experts), participative (consultation, référendum), assemblées tirées au sort (volontaires, formés, rémunérés)
L’objection principale : l’incompétence, est balayée du fait que c’est un argument utilisé jadis pour refuser le droit de vote aux femmes et aux ouvriers.
Solution ? Une chambre d’élus (la Chambre) et une chambre de tirés au sort à part (le Sénat).

Francis DELPÉRÉE, Député fédéral, Professeur de droit émérite de l’UCL a trouvé le livre amusant, rafraîchissant mais pas convainquant. Cela a stimulé l’écriture de son dernier ouvrage :
« Aux urnes citoyens ! ».
Il préfère parler de participation démocratique : Je participe, donc je crée de la démocratie. C’est la méthode qui compte. Il conteste la démocratie aléatoire, la loterie politique, en posant les questions : d’où viennent les tirés au sort ? Qui constitue et comment a-t-on constitué l’échantillon ? Qui prépare et comment est préparé le dossier des experts ? Que font les professionnels de la communication ? Les citoyens deviennent des marionnettes au service d’une technocratie.
On peut évidemment améliorer le système actuel en développant la vie politique et la participation des citoyens, en utilisant les libertés reconnues. Il est dangereux de se prononcer contre les élections qui restent un vecteur de la démocratie.

Richard MILLER requis au Parlement, illustre bien la fonction de parlementaire. Bernard IDE, cheville ouvrière de ce colloque, s’est alors tourné vers Manuel LAMBERT, travaillant pour la Ligue des Droits de l’Homme et enseignant le droit à l’ULB, qui a aimablement accepté de nous entretenir de son point de vue. Il reconnaît le caractère provoquant du titre du livre de David VAN REYBROUCK « Contre les élections » mais partage son constat – dans les sociétés occidentales – d’une « fatigue démocratique ». Il est favorable à la démocratie participative et cite plusieurs exemples de réalisations à l’étranger. En Islande, des citoyens ont rédigé la Constitution. La Suisse connaît régulièrement des initiatives populaires suivies de référendum.

Anne LAMBELIN, la plus jeune députée du Parlement wallon et Sénatrice, reconnaît le problème du désintérêt des jeunes pour la politique. Ils sont mal informés et dégoûtés. Elle suggère le débat en dehors des périodes électorales, le service citoyen (projet pilote en Brabant wallon), le Parlement jeunesse, les cours de citoyenneté. Ayant étudié le système suisse, elle conclut que le résultat d’un référendum exprime souvent un conservatisme. Peu favorable au tirage au sort, elle souhaite garder un idéal, rester sur le terrain, lutter contre les amalgames. Elle constate aussi que les nouvelles technologies de l’information augmentent le potentiel démocratique mais qu’il faut se méfier de la vitesse car les solutions prennent du temps.
LES JEUNES universitaires invités au colloque expriment ce désenchantement. Attirés par le titre du livre de David VAN REYBROUCK, ils ne sont pas tous dupes de son contenu. Il demeure que :
« Les citoyens ne sont plus en accord avec les politiques », « on a le sentiment de ne pas être respecté en politique », « le politique n’est pas supérieur, c’est un citoyen comme les autres ».

Resserrant le débat, Francis DELPÉRÉE pense qu’il n’y a pas d’accord sur le constat : les membres d’associations comme la Ligue des droits de l’homme, la Croix Rouge… font aussi de la politique. Il demande une analyse plus précise, plus rigoureuse et pas seulement des formules. Il ne faut pas confondre dépolitisation, départisation, déparlementarisation.

Pour Manuel LAMBERT, on ne peut nier la désaffection du politique : on le voit dans la rue, aux élections. Il reconnaît que le temps peut amener à un peu plus de sagesse. Il y a une différence entre le « micro-trottoir » du JT et le travail d’un jury d’assise.

Françoise DUPUIS demande : où est l’idéologie ? Le politique est perçu comme impuissant parce qu’il manque une démocratie économique. Le tirage au sort est un truc « scientifique » pour ne pas mettre les mains dans le cambouis !

Raymonde DURY explique que la science politique doit avoir un regard plus global sur la société. Les tropismes classiques de la société belge (laïc/catho, Vl/Fr, nanti/pauvre…) sont plus complexes aujourd’hui.

Jacqueline HERZET estime qu’il y a de plus en plus de mobilisation de citoyens et n’est pas enthousiaste à propos du tirage au sort car il manquera au parlementaire ainsi choisi, l’envie et la passion.

Michel LEMAIRE reconnaît les divergences entre les programmes des partis et la réalité. Les parlementaires ont aussi une part de responsabilité.

Ayant ainsi synthétisé, j’espère fidèlement, nos travaux, il me reste à rappeler qu’il n’y a pas d’alternative à la démocratie et qu’elle risque de s’user si on ne s’en sert pas.

Françoise CARTON DE WIART