Le 26 avril 2016 s’est tenue l’Assemblée générale annuelle de l’AAP dans les locaux de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Une assemblée, sans élection, celle-ci se tenant tous les deux ans, ce sera donc pour 2017 !
A l’ordre du jour, le rapport moral 2015, le bilan et les comptes ainsi que le budget 2016. L’ensemble fut adopté sans problème.
Un échange de vues sur les prochaines activités 2016-2017 se déroula dans la bonne humeur.
A l’issue de cette AG l’invité d’honneur n’était autre que Mme Nina BACHKATOV, politologue et spécialiste de la Russie et des pays de l’Est, qui donna une conférence sur le thème « Ukraine, deux ans plus tard. Où en sommes-nous ? »
Un jeune fonctionnaire de la province de Liège, Mr Antoine d’Inverno, passionné par le sujet présenté, s’est proposé pour la rédaction du compte rendu de cette brillante conférence et nous l’en remercions très sincèrement. Nous vous livrons donc le texte qu’il a rédigé.
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I. Causes possibles de la guerre en Ukraine
A. Conséquence tardive de l’éclatement de l’URSS
L’Ukraine a souffert de l’effondrement de la structure politique qui soutenait toute la société. Face au vide créé, elle a du tout reconstruire. Le problème fut amplifié par sa situation géographique et son économie. La proximité de l’Ukraine avec la Russie est à l’origine d’une fuite de l’élite ukrainienne vers la Russie, laissant vacant des postes clés de l’administration. Ces derniers sont occupés par des personnes peu compétentes ou des inconnus. L’Ukraine est un pays industriel et agricole sans ressource énergétique. Elle sert de territoire de transit. Son Parlement est par ailleurs composé d’oligarques et le droit de la propriété foncière n’est toujours pas reconnu entièrement. En outre, la création récente de l’Ukraine (1945) ne favorise pas le développement d’une identité nationale forte. Le fait que la langue dominante reste le russe concourt à affaiblir l’identité nationale. Le retour de la diaspora ukrainienne nationaliste ne facilite pas la transition.
B. Conséquence indirecte de l’élargissement de l’UE et de l’OTAN
En 2003 et 2013, la population ukrainienne a manifesté dans les rues en brandissant des drapeaux européens. Ce n’est cependant pas tant le projet d’élargissement de l’UE qui est problématique aux yeux de Moscou, qui voit plutôt d’un bon œil l’élargissement du marché selon des règles claires et bien connues, mais bien le projet d’élargissement de l’OTAN. La Russie craint en effet un accroissement de l’influence américaine à ses frontières. De plus, il est à déplorer que la Russie soit représentée en rival, voir en ennemi. À partir de 2013, les Autorités européennes ont en effet présenté à l’Ukraine le choix de rallier l’UE ou l’Union économique Eurasiatique comme une alternative. L’Ukraine s’est alors trouvée en fâcheuse posture, voyant sa société se cliver entre prorusses et pro-européens. L’absence de partis politiques traditionnels et l’émergence de nombreux groupuscules contribuent à alimenter cette tendance.
C. Entre-deux de Madame Bachkatov
C’est un mélange des deux thèses développées ci-dessus qui explique le déclenchement de la guerre en Ukraine. La situation économique désastreuse ukrainienne est un des éléments déclencheurs. De même, le manque de structure politique et la corruption colossale qui en découle est un autre facteur de déclenchement. Il se peut également que la politique européenne d’élargissement n’ait pas été assez explicative envers la population ukrainienne, cette dernière ne comprenant pas pourquoi l’UE assortissait l’élargissement à tant de conditions.
II. Situation actuelle
La situation actuelle en Ukraine est figée. Et ce pour différentes raisons.
A. La Crimée
Les Russes semblent s’y établir durablement alors que l’UE s’oriente vers des alliances dangereuses (notamment avec les Tatars qui ne représentent que 18% de la population, ne constituent pas un groupe homogène et uni, et se laissent guider par des intérêts économiques essentiellement russes) afin de démontrer le mécontentement de la Crimée occupée. Le grand enjeu de la Crimée demeure la base de la marine russe située à Sébastopol.
B. L’Est
Il est difficile de qualifier le conflit opposant la Russie à l’Ukraine. Des participations militaires ouvertes font défaut pour utiliser le terme de guerre. Cependant le conflit est sérieux. C’est la majorité russophone de la population fidèle à l’ancien Président Ianoukovitch qui est à l’origine du soulèvement contre Kiev fomenté par la Russie.
C. Tensions internes
L’Ukraine est immobilisée par des tensions internes est-ouest. Ces tensions se sont internationalisées lorsque la Russie a tenté de casser l’union nationale en intervenant dans l’est de l’Ukraine. Si les Accords de Minsk ont permis un cessez-le-feu, il n’est malheureusement pas permanent et pas appliqué de manière uniforme, Kiev manquant de carrure politique pour l’imposer à toute sa population. Le risque de se diriger vers un conflit gelé sur le territoire de l’ex URSS est bien réel, engendrant de nombreuses questions quant à la prise en charge de la reconstruction des infrastructures.
III. Développements récents
A. Tactique des occidentaux
Devant le peu d’effet de leurs efforts en Ukraine, les occidentaux envisagent une nouvelle tactique. Fatigués par les entourloupes du Gouvernement ukrainien, ils comptent délaisser les autorités ukrainiennes comme interlocuteurs principaux, au profit de la société civile. Espérant par là accélérer le changement en Ukraine. Le danger est que cette attitude favorise la création d’une société parallèle à la société officielle.
B. Remaniement du Gouvernement ukrainien
Le Président Porochenko manque de légitimité. Le régime parlementaire ukrainien ne permet pas au Président de rester au-dessus de la mêlée. Une grande majorité s’oppose au modèle fédéraliste, perçu comme risqué eu égard à la menace russe. L’image de ce qui s’est passé avec la région de Transdniestrie en Moldavie reste présente dans tous les esprits. En outre, les remaniements fréquents de son Gouvernement affaiblissent plus encore son autorité. Le dernier remaniement en date est la démission du Premier Ministre, Monsieur Arsenii Iatseniuk, héros du Maydan mais qui ne réussit pas à se rendre populaire. Il fut remplacé par le Président du Parlement et maire de Vinnysta, Monsieur Volodymyr Hroisman, proche du Président Porochenko. Il est à noter que le parti du Président n’est toujours pas majoritaire à l’intérieur de son pays.
Notre président donnera la parole à l’Assemblée pour un « Questions/Réponses » et plusieurs membres réagiront. Il remerciera Mme Bachkatov pour sa disponibilité envers notre Association et pour sa conférence très appréciée et c’est en toute convivialité que les membres de l’AAPF participeront à un déjeuner auquel notre invitée se joindra.